Tribune
Il y a quelques semaines, le rapide passage aux Chantiers navals STX de Saint-Nazaire du président de la République, comme l’on pouvait s’y attendre, aura eu cette vertu d’exposer au grand jour une réalité sociale calamiteuse, celle d’une Nation en décrochage. Sur ce plan, reconnaissons l’utilité des médias, accélérateurs du débat. Il aura suffi d’une poignée de main refusée pour toucher du doigt ce lourd problème de confiance qu’est celui du peuple vis-à-vis de ses élites politiques.
Il était prévisible que dans le cadre de sa visite, François Hollande se fasse appréhender par les travailleurs nazairiens. Chacun sait leurs sueurs froides, à se demander d’année en année si le chômage ne les guette pas. Aussi, l’interpellation de cet ouvrier naval à l’égard du chef de l’État et salutaire. Nous espérerons qu’elle éclairera les Nazairiens et les Français.
Il a été beaucoup débattu sur le fait que cet ouvrier — par ailleurs syndiqué à la Confédération générale du travail (CGT) et ne s’en cachant pas — refuse de serrer la main au président. Sa grande sagesse aura consisté à préférer une distance froide et le débat contradictoire avec François Hollande, plutôt que l’invective. Qu’il eut insulté ou violenté le président, et son attitude aurait été moquée, puis tout débat évacué.
Par la pédagogie, en sortant du contexte de l’emploi nazairien par l’évocation de la crise à Air France et les 2900 suppressions d’emplois annoncées, cet homme aura amené le président sur un terrain qu’il ne souhaitait pas forcément pratiquer. Car si les violences contre le DRH d’Air France peuvent être considérées comme illégitimes, comment légitimer la violence du grand patronat à l’égard de travailleurs français de plus en plus précarisés, de moins en moins protégés par le jeu de la préférence étrangère ?
La réponse, une des réponses, ce peut être à la fois de changer complètement de système économique, par notre souveraineté complètement retrouvée — vis-à-vis de l’Union européenne, de l’Allemagne et de l’euro — mais aussi, n’éludons pas ce sujet, de modifier en profondeur les rapports au sein du monde du travail.
Là, pointe le sujet épineux de la liberté d’organisation syndicale. Elle n’existe pas en France. Et le syndicalisme se trouve ainsi, depuis soixante-dix ans, prisonnier des grandes centrales : CGT, CFDT, CFTC, dont les aspirations à la justice sociale pour les travailleurs sont parfois sincères… mais les réalisations pratiques globalement inutiles… quand elles n’accompagnent pas la politique économique du Gouvernement !
Nous avons raison. Cela ne nous donne aucune satisfaction, que le dépit de l’impuissance. Problème entre tous, la question de la directive européenne Bolkenstein, aura été évoqué durant le « dialogue » (ainsi le qualifie François Hollande) entre le président et ce syndiqué. Ce fameux détachement des travailleurs, venant concurrencer à vil prix la main-d’œuvre française, en induisant des déséquilibres de contributions sociales, le chef de l’État n’en aura pas tenu compte. On le comprend : François Hollande, européiste et néo-libéral affirmé, tout comme Emmanuel Macron et Manuel Valls, valident totalement le principe du détachement, fruit du libéralisme économique le plus accompli, celui de la « concurrence libre et non faussée ».
Ce thème des travailleurs détachés n’a pas fait sourciller le président. Il excite en revanche la gauche, contre le Front national, accusé dans une double diffamation de profiter de la misère des Français, et de monter nos travailleurs contre les autres, notamment ceux d’Europe de l’Est. Il n’en est rien ! Car pour nous, défendre explicitement ici la priorité d’accès à l’emploi de nos nationaux, c’est défendre implicitement la priorité d’accès à l’emploi des travailleurs dans leurs propres pays.
Alors, vite, que se lève un front social prenant, de même, la forme d’un front syndical. Seul un « Nouveau syndicalisme », dont la priorité nationale dans l’emploi et la garantie des acquis sociaux (retraites, salaires…) seraient la continuité du patriotisme économique, peut y parvenir. Si la loi de notre république se refuse à en permettre la mise en place, il faudra bien prendre ses responsabilités et en créer les conditions, par des associations syndicales patriotes à défaut de syndicats propres.
En cela, le Rassemblement Bleu Marine (RBM) de Saint-Nazaire soutient l’initiative du « Front syndical » récemment annoncée par Marine Le Pen et Dominique Bourse-Provence, syndicaliste et juge aux prud’hommes. Leur chemin est le bon. Nous devons y inscrire nos pas.
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